vendredi 5 septembre 2025

Le nationalisme croate d'Herzégovine vient faire sa promo à Strasbourg

 


Si vous habitez Strasbourg et avez un compte facebook, vous avez peut-être vu ce contenu sponsorisé sur votre "journal" : une conférence sur les accords de Dayton proposée par l'Association Parlementaire Européenne, une "organisation transpartisane à vocation européenne [qui] rassemble des membres du Parlement Européen issus de différents groupes politiques."
 
Je ne vais pas y aller par quatre chemins, cette conférence est très problématique de par son intervenante principale, l'eurodéputée croate Zeljana Zovko.

C'est assez complexe à comprendre pour qui n'est pas familier de l'ex-Yougoslavie/Bosnie-Herzégovine, mais je vais essayer d'être le plus clair et synthétique possible : 

dimanche 17 août 2025

Les femmes sont l'avenir de la Serbie (et du reste du monde)

Auteur/-trice de la photo inconnu/e. 
Source : réseaux sociaux.

C'est un aspect à ce jour insuffisamment abordé, à mon sens, quand on parle du mouvement social serbe en cours, et ce y compris en Serbie : la forte présence dans celui-ci, et de manière très impliquée, des femmes. De tous âges, de tous profils, métiers et milieux sociaux, de toutes opinions, croyances, philosophies, elles sont là, depuis les premiers jours, et souvent en premières lignes. Le cortège de tête des manifs serbes, ce sont souvent elles qui le forment. 

lundi 4 août 2025

Bajaga et ses censeurs

Comme bon nombre de Croates de sa génération, celle qui a dépassé la cinquantaine, mon pote Dalmate, qu'on appellera Dario, a grandi en écoutant du rock yougoslave, qu'il s'agisse de groupes croates, serbes, bosniens, voire slovènes.

Si Dario ne remet pas fondamentalement en cause le bien fondé de l'indépendance de son pays, il est aussi de ceux qui pensent que la Yougoslavie, sans avoir été parfaite, avait des vertus et des qualités, parmi lesquelles cette ouverture culturelle que, entre autres, la musique incarnait.

Dario a échappé aux pires traumatismes de la guerre d'indépendance. Par chance, le coin où il vivait n'étant pas en première ligne, et les missions de son groupe ont principalement consisté à surveiller le territoire proche, qu'il connaissait à la perfection. Il ne s'y est jamais rien passé de grave. Peut-être aussi qu'il a été épargné de missions plus périlleuses grâce à son culot juvénile : en effet, lorsque les agents de l'armée croate vinrent lui signifier qu'il était mobilisé, et qu'il fallait les suivre, Dario s'exécuta sans problèmes. Toutefois, sur le chemin vers le cantonnement le plus proche, il s'étonna auprès d'eux, dans un mélange de fausse candeur et d'ironie bien placée, que les fils de notables du coin, et notamment de ceux du parti HDZ au pouvoir, semblaient être exemptés de ce noble devoir patriotique, alors que le bas peuple ne paraissait pas bénéficier d'une telle dispense. Ce trait d'esprit critique fut-il identifié par ses supérieurs comme une absence d'exaltation patriotique et de motivation à mourir pour le pays ? Ceux-ci ont-ils donc préféré miser sur la connaissance que Dario avait du terrain ? On ne le saura jamais, mais cette petite marque d'indépendance d'esprit pose le personnage.

Après la guerre, Dario constate que dans le nouveau pays libre et indépendant, de nouveaux dogmes, politiques, religieux et économiques, ont remplacé les anciens, et qu'ils sont volontiers défendus de manière toute aussi intrusive et stupide que les précédents. D'ailleurs, sans surprise, ce sont parfois les mêmes personnes qui sont passées d'une idéologie à l'autre, et revendiquent leurs nouveaux crédos avec la même vigueur que ceux d'avant. Exerçant un métier de la fonction publique, il y déprime, ressentant l'impression de servir des intérêts inutiles, vides de sens, et qui le dépassent. Ce parcours le conforte dans sa progressive mise à distance du monde, ainsi que de ses congénères et de leurs petits ou grands arrangements avec l'existence. Avec sa compagne, elle aussi en rupture de ban, il se reconvertit dans un métier plus artisanal, et observe aujourd'hui la tragi-comédie humaine de loin, depuis sa baraque rudimentaire perchée en pleine nature, sur les hauteurs d'une bourgade balnéaire que le tourisme de masse transforme en fourmilière de juin à septembre. La mer est en contrebas et s'étale à l'horizon. Par temps clair, on distingue bien les différentes îles croates. A l'arrière de la maison se dresse la massive chaîne de montagnes du Biokovo, qui barre tout le littoral dalmate de sa métaphysique puissance minérale.

Dario continue occasionnellement d'écouter du rock serbe. Il n'a jamais cessé de le faire. Parce qu'il se fiche que quelqu'un soit serbe, bosniaque, français, allemand, ou, que sais-je encore, Herzégovinien ou Zagrébois (deux populations honnies et accusées de tous les maux en Dalmatie). Dans sa vision du monde, l'humanité se divise entre bonnes et mauvaises personnes, indifféremment de la nationalité et autres assignations du même genre. Et pour la musique, c'est pareil, il y a la bonne et la mauvaise musique.

Comme bon nombre de Croates de sa génération, Dario est fan de Bajaga i Instruktori, "Bajaga et les instructeurs", un groupe à mi-chemin entre pop et chansons, originaire de Belgrade et actif depuis les années 80 du siècle passé. La musique de Bajaga, Momčilo Bajagić à l'Etat civil (photo ci-dessus, en ouverture de post), et de ses musiciens (les "instructeurs"), n'est pas à mon goût un monument d'originalité ultime, mais elle s'écoute bien. De cette belle voix chaude et organique, dont sont dotés de nombreux locuteurs du serbo-croate, le chanteur y pose des textes poétiques, bien écrits, vecteurs d'imaginaires, et sur lesquels chacun peu projeter ses interprétations.

dimanche 13 juillet 2025

Un monde de merde, mais heureusement entre guillemets

Aline Cateux est Docteure en anthropologie à l'Université de Louvain la Neuve, spécialiste de la Bosnie-Herzégovine et plus particulièrement de la ville de Mostar. Pour rappel, elle nous avait fait l'honneur et le plaisir de partager une partie de son regard sur cette ville via une carte blanche publiée dans ce qui s'appelle désormais Yougosonic 1. Entre temps, que de chemin parcouru par cette personne, que je considère aujourd'hui comme une référence hautement pertinente et une source en qui j'ai totale confiance, pour tout ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine !


C'est sur son profil facebook que j'ai découvert, avec stupéfaction, son post faisant état de la façon dont le quotidien Le Monde traite des trente ans du génocide de Srebrenica, que nous avons commémoré avant hier. On y découvre en effet que Le Monde titre "Alerte et condamnations : la justice internationale face au "génocide" de Srebrenica" (photo ci-contre). 

Vous avez bien vu, le mot génocide est mis entre guillemets, et quand on met des guillemets, c'est pour indiquer que l'on cite quelqu'un d'autre, ou que l'on emploie une expression, une formule, qu'il peut s'agir d'un second degré ou d'une mise à distance. Donc ici, ce terme de génocide entre guillemets est la citation de quelqu'un d'autre, ou une formulation, et ce que suggèrent ces guillemets dans un titre du "grand quotidien de référence français", c'est que cette formule n'est peut-être pas celle à laquelle adhère l'autrice de l'article (Stéphanie Maupas, dont j'apprends qu'elle est très remontée contre la justice internationale). C'est l'expression d'un doute, d'un scepticisme, d'un relativisme, ou d'une mise à distance, face à ce mot. On rappellera ici que le génocide de Srebrenica a été prononcé en ces termes par le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Le terme n'est pas un mot employé, à l'emporte pièce, dans une discussion de bistrot virtuel ou réel sur un sujet d'actualité. C'est un jugement clair et net de l'institution qui a été mise en place pour juger les crimes perpétrés durant les guerres en Yougoslavie. 

lundi 7 juillet 2025

Le plus grand concept du monde


Photo - réseaux sociaux.
Merci et félicitations à l'antenne croate de Iniciativa Mladih za Ljudska Prava (Initiative des Jeunes pour les Droits de l'Homme), une ONG présente dans plusieurs pays d'ex-Yougoslavie, qui travaille à l'examen du passé récent, à la reconnaissances des crimes commis par "son camp", et à la réconciliation (pour résumer).
C'est elle qui a acheté des encarts sur des panneaux publicitaires à Zagreb, avec la mention "Antifašizam je najveći koncept na svijetu !" : "L'antifascisme est le plus grand concept du monde !".

samedi 5 juillet 2025

Deux salles, deux ambiances

                                                            Photo - réseaux sociaux

Depuis à peu près 24h, mon fil facebook est presque uniquement constitué de deux types d'images : d'un côté, celles de la répression en cours en Serbie, avec des arrestations arbitraires, souvent en pleine rue, d'étudiants, de jeunes, même de mineurs à peine adolescents. 

Photo (C) Gavrilo Andrić

Les images sont glaçantes, les témoignages tout autant. Dans les commissariats, on humilie, on frappe, on tabasse. Ce ne sont pas toujours des policiers ou des CRS qui procèdent aux interpellations, mais des types en civil, qui refusent de décliner leur identité ou de montrer leur carte professionnelle. Ils sortent d'une voiture, attrapent et maîtrisent quelqu'un, le poussent dans la voiture, puis la voiture démarre. Sans mettre les horreurs vécues par les Chiliens sur le même plan que ce que subissent les Serbes, on est bien dans une "Pinochetisation" du pouvoir en Serbie. 

jeudi 29 mai 2025

Les Serbes ont besoin d'amour

On redémarre le blog avec un post dont le "bisounoursisme" est totalement assumé. Ce post en effet, parle d'amour, de tendresse, de bienveillance, et d'empathie. Et d'ailleurs, il a été écrit avec amour. Allez bisous et bonne lecture !



Ce qui se passe en Serbie depuis novembre dernier est extraordinaire à de nombreux égards. On n'avait pas vu un mouvement d'une telle ampleur en ex-Yougoslavie, depuis les manifestations de masse en Bosnie-Herzégovine de 2013, marquées notamment, comme actuellement en Serbie, par des pratiques de démocratie directe (mise en place de plénums), et un dépassement des fractures, sociales, ethniques, générationnelles, voire politiques.

Le mouvement serbe contredit, comme en 2013 en Bosnie-Herzégovine, le cliché de l'apathie et du fatalisme, mais aussi celui qui présente les Balkaniques comme des gens bordéliques, roublards, primitifs et retardés, congénitalement incapables de s'organiser et de se structurer, et immatures pour ces produits politiques de luxe que sont la démocratie, le débat républicain, la tolérance et le partage.

La façon dont les étudiants serbes, qui mènent le mouvement depuis le début, s'organisent, délibèrent, encadrent les manifestations, font preuve de créativité, ainsi que leur refus de toute violence, verbale ou physique, force le respect et donne un bel exemple de lutte digne, inventive, courageuse et fédératrice.

Il y a de nombreuses grilles de lecture et angles d'analyse de ce vaste et extraordinaire mouvement qui rassemble aujourd'hui de nombreux pans de la société serbe. Il faudrait de nombreux posts de blog pour le décortiquer en profondeur.

J'aimerais aujourd'hui revenir sur quelques aspects particuliers qui me semblent essentiels.